Procès du 28 septembre : Comment arrêter la grande fuite en avant ? (Par Moïse Sidibé)

L’histoire a décrit Néron comme un autiste imbu de sa fatuité, qui pensait dur comme pierre que ses poésies plates étaient sublimes, que ses fantasmes étaient des réalités, et qui a brûlé Rome pour une maquette non encore matérialisée, et il était fort influençable en privé. On a le droit de se demander ce que vient Néron de si loin faire dans ces propos, mais les psychopathes de l’antiquité et des temps modernes se ressemblent.

Pour éclairer la lanterne et aider chacun à ne pas faire le cuistre, le machiavélisme prône cette idée : « tous les moyens sont bons pour prendre ou pour garder le pouvoir ». Ceux qui sont dans la rue feront tout pour le prendre et ceux qui ont le pouvoir feront tout pour le conserver, même en faisant hécatombe du peuple. 

C’est de là qu’est née la contradiction ouverte en 2009 « Dadis doit rester ! » et « Dadis doit partir ! ». 

En réalité, ce clivage a existé depuis l’arrivée des premières vagues d’éleveurs musulmans peuls au Fouta Djallon (vers les 15ème et 16ème siècles) à la recherche des pâturages et de l’eau pour leurs troupeaux. Cette cohabitation deviendra de plus en plus difficile entre la communauté des éleveurs musulmans et des agriculteurs animistes. Ceux-ci vont être refoulés vers les côtes de l’Atlantique. Toujours dans l’expansion de l’islam, les Peuls vont se heurter à l’empire du Mali des Malinkés à l’apogée de sa civilisation avec Kankou Moussa déjà au 14ème siècle. 

Il y eut une période de mi paix, mi guerre entre les deux communautés avec l’arrivée de la colonisation. Les colons profiteront de cette sorte de métastabilité pour diviser pour régner avant, pendant, après l’indépendance de 1958 et bien après jusqu’à nos jours. L’abcès a été crevé le 28 Septembre 2009. Il est temps d’évacuer tout le pus et la sanie de cet abcès une fois pour toutes.

Le PDG qui avait le problème ethnique à fleur de peau était contre l’ethnocentrisme, mais pas sous forme de blague ou de plaisanterie de cousins. Sous le général Lansana Conté en 1984-85, il y a eu un recensement avec des annotations et des spécifications ethniques avant le « Wo fatara ». Sur les fiches de recensement fonctionnaire on demandait le lieu de naissance et la langue parlée, et même la religion pratiquée.

Avec Dadis, les Forestiers ont haussé le ton. Le procès de Kolou Toupou, la femme accusée d’avoir assassiné le petit Junior a fait sortir le nez au grand jour du clivage entre Guerzés et Tomas. A entendre Dadis encenser les relations séculaires entre ces deux communautés, on croirait que tout est au beau fixe, dans la réalité profonde elles ne sont pas roses.

Avec Alpha Condé, le premier conseil des ministres s’est fait en langue malinké sous l’égide de la coordination régionale de la Haute-Guinée. 

Enfin, au procès des massacres du 28 Septembre avec Dadis Camara à la barre de ce mardi 11 janvier 2023, personne n’ose même plus « appeler le chien par son nom ». Les avocats ne parlent plus de Peuls, de Malinké, de Guerzé et de Toma, ils trébuchent et marchent sur des œufs en abordant ce sujet. 

Quelle folle fuite en avant en pratiquant la politique de l’autruche ! ça n’est pas une solution.

On profite de l’occasion pour dire aux Tomas qu’on ne dit pas Macénta, mais Massanta. 

Ce problème avec la toponymie est vexant.

Voilà la Guinée de la grande pruderie des temps modernes. La réconciliation nationale se fait à visage découvert, pas en masquant son identité, pas en parlant de soi à la troisième personne, pas de façon impersonnelle. Si au Rwanda les Hutus n’avaient pas fait mea culpa à visage découvert pour demander pardon aux Tutsis, y eût-il paix durable ? Pour une paix en Afrique, pas ailleurs, faut-il se soumettre au Diktat de la « démoncratie » ? Le président Jacques Chirac a dit qu’on ne gouverne pas un pays dans le chaos avec des caresses sur la joue.

Tous ceux qui sont concernés dans ce procès savent pertinemment qui est qui, qui a été victime de qui, qui doit demander pardon à qui ? Mais aussi et surtout, la question est de savoir pourquoi les victimes de ce 28 Septembre 2009 ont autant de ceux qui leur en veulent tant, pour ne pas dire toute la Guinée ? Chacune des quatre régions naturelles doit faire sa propre introspection. 

Puisque la réconciliation nationale se fera à visage découvert, il est temps que chacun apprenne sa partition pour ne pas faire le bigot repentant qui cabotine. Il faut arrêter la fuite en avant et prendre le taureau par les cornes.

Il est temps au CNRD de faire table rase et de faire jouer cartes sur table à tout le monde. 

La réconciliation nationale, c’est le dernier des travaux d’Hercule qu’il s’est assigné. Le plus incontournable et le plus coriace. 

Est-elle incluse dans la durée de la transition ?

 

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