Interview : « si les conducteurs sont mal formés,  ils deviennent des dangers en mouvement »

Le transport, qu’il soit routier, maritime, aérien ou ferroviaire, est considéré comme la locomotive de la croissance socio-économique. Mais aujourd’hui en Guinée,  avec la flambée des accidents mortels, l’inquiétude grandit le long des axes routiers du pays. Comment inverser alors la tendance ? Dans cette interview,  Fana Touré,  formateur au sein d’une Auto-Ecole et consultant en prévention sécurité routière pour la radio rurale de Forécariah explique les raisons de ces graves accidents routiers, décrit la qualité des infrastructures de transport, la délivrance « fantaisiste » des permis et propose quelques piste de solutions pour garantir la sécurité dans le transport.

www.ledeclic.info: Comment expliquez- vous la recrudescence des accidents de circulation en Guinée ?

Fana Touré : des analyses que nous avons faites, il ressort qu’il y a la part de  responsabilité de l’État, la part des usagers de la route également. En plus, 80% de tous ces accidents sont causés par le mauvais comportement des conducteurs.  Pour les 20%, 10% sont imputables à l’état de nos routes et les 10 autres pour cent sont à mettre à l’actif de l’administration qui gère la circulation routière.

Qui parle de transport, parle d’infrastructures. Quel regard portez-vous sur les infrastructures de transport en Guinée ?

Dans le secteur du transport terrestre, il n’y a pratiquement pas de routes chez nous. Et le peu qui existe est en mauvais état. Il manque le plus souvent des panneaux de signalisation même au  centre ville de Conakry. Ceux-là qui existent, quand ils tombent en panne, on ne les répare pas. À l’intérieur, les routes sont très étroites,  même les nouvelles routes qu’on est entrain de faire,  la largeur est très petite.  Et autres facteurs, il n’y a pas de contrôle après construction. Et les portions qui subissent des dégradations,  on les laisse jusqu’à ce que ça se gâte complètement pour revenir encore entretenir.
En ce qui concerne le transport maritime en Guinée,  comme vous pouvez constater,  on n’a presque pas d’infrastructures. C’est pourquoi, je profite de l’occasion pour demander au pouvoir public de favoriser le transport maritime.  Que les habitants de Coyah ou  de Boffa puissent venir à Conakry sans emprunter forcément le véhicule. Et cela pourra favoriser non seulement l’économie nationale mais réduire aussi les embouteillages.
Parlant maintenant du transport aérien, je propose aux autorités de trouver des « jets » qui pourront faire des transports interurbains aériens dans le pays. C’est-à-dire que celui qui est à N’Zérékoré, Kankan ou Siguiri par exemple,  sache que dans la semaine, un vol peut faire quelques rotations. Quand ce type de transport est valorisé,  on peut réduire non seulement le taux d’accidents routiers,  mais aussi les embouteillages énormes qui ne finissent pas. Bref, que ce soit le transport terrestre,  maritime ou aérien, l’Etat doit investir davantage.

Comment appréciez- vous la délivrance des permis de conduite en Guinée et quelle place pour des auto-écoles ?

Les institutions de formation en conduite automobile doivent être harmonisées, c’est-à-dire le pouvoir public doit harmoniser les programmes de cours de toutes les écoles qui forment dans ce secteur.  Il doit encourager également à former et à informer les usager de la route. En ce qui concerne la livraison des permis de conduite, à mon avis , ce n’est pas une bonne politique,  parce que généralement les 90% qui trouvent des permis ne seraient pas passés par des institutions de formation auto-école. Pour preuve, tu poses des questions sur les règles de la circulation routière,  beaucoup ne pourront pas te donner de bonnes réponses. Donc on doit mettre en place une politique,  qui oblige qu’on passe par un centre de formation, qu’on valide tous les cours ( théorie et pratique).  Et là,  on évalue le candidat au permis. S’il échoue, on le fait retourner à l’école. C’est-à-dire quand il ne passe pas le test à la section permis, il doit retourner pour se réformer.  C’est ça un bon système. Et c’est ainsi que ça se passe dans les autres pays. C’est pourquoi,  j’insiste,  l’État doit revoir ce système de gestion et de délivrance des permis.

Que faut-il faire alors pour minimiser les cas d’accidents ?

C’est une question très importante. La stratégie est la suivante :  d’abord, l’État doit avoir une politique de gestion de ces accidents, la gestion notamment de la circulation routière.  D’ailleurs, je salue , car c’est une première en Guinée,  les campagnes nationales dénommées semaine nationale de la sécurité routière. Ça déjà,  c’est une bonne réforme.  Ensuite, nous devons favoriser la formation des conducteurs.  Parce que si les conducteurs sont mal formés,  ils deviennent des dangers en mouvement, capables de provoquer l’accident à tout moment. Il faut aussi réglementer nos différentes routes,  car les routes guinéennes ne répondent à aucune norme internationale. Les routes ne sont pas larges, elles sont muettes.  Donc il faut que la signalisation routière se manifeste de part et d’autre , parce que ce sont ces panneaux qui guident,  qui informent les conducteurs. 

Propos recueillis par Gassime Fofana

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