Guinée : le pouvoir tousse et c’est le peuple qui trinque (Édito)

C’est un véritable ouragan social et une sacrée cacophonie politique qui s’abattent sur la Guinée ces dernières années. Une perturbation qui affecte et paralyse tous les secteurs de la vie du pays. Parfois, le gouvernement affirme maitriser la situation, mais la réalité du pays prouve que le pouvoir d’Alpha Condé tient désormais avec difficulté la barre du navire.

Soubresauts politiques, ébullition sociale et bouleversement économique. De l’intérieur du pays à la capitale Conakry, des crises multiformes et intersectoriels se forment en tentacules et étouffent le quotidien des Guinéens. Le secteur économique ne porte plus l’espoir suscité. Il se détériore même du jour au lendemain comme peau de chagrin et les faits démentent toujours les arguments d’une relance vigoureuse de la productivité et par conséquent, présage d’une certaine embellie qui rassure. Et même si Kasssory Fofana, plus en politicien avéré qu’en économiste averti, affirme que la Guinée a plus de financements que tous les pays de la sous-région et que le pays est solvable, le gouvernement ne cesse d’adopter des politiques d’austérité qui frise parfois l’indignation et l’incompréhension. La hausse du prix du carburant à la pompe, la multiplication des frais d’orientation de nouveaux bacheliers qui passe de 30.000 à 50.000gnf, l’interdiction des marches au mépris de la loi et des aspirations d’un peuple attaché à sa démocratie ; bref un melting-pot de problèmes qui fait que de l’illusion, les Guinéens sont vite passés au désenchantement. Mais pas que.

La crise portuaire, une pillule qui reste en travers des gorges
C’est l’un des dossiers les plus brûlants aujourd’hui en Guinée. Après que les travailleurs du port en particulier se sont aperçus que le pouvoir a signé un contrat de bail du port autonome de Conakry avec une société turque, les contestations ont flambé. L’obstination des autorités à garder la grande partie de la convention secrète et à ne publier que des miettes sème le doute sur la sincérité du bail. Les chiffres les plus fous, les plus injustifiables et les plus contradictoires explosent aux visages des Guinéens. Et on a plutot l’impression que dans ce tohu-bohu, le gouvernement se plaît à distiller ses notes d’un tango démodé dont les accords ne sont maîtrisés ni les refrains assimilés par les compatriotes. Cette nouvelle crise qui a également suscité de manifestations de rue et de grogne de citoyens sur les réseaux sociaux fait oublier celle du carburant. Des journées spéciales pour manifester ont été initiées par les travailleurs du port pour demander au pouvoir d’abroger ce contrat ‘’monstrueux’’. Rien n’y fit. Une mise à mort du mouvement de contestation est désormais programmée, déjà que le leader de la fronde séjourne à la Maison Centrale de Conakry pour « offense, calomnie envers le Chef de l’Etat et son fils». Une nouvelle façon de tuer l’audace dans un mouchoir de vengeance.

Sur le front politico-social, les citoyens revendiquent, le pouvoir tâtonne
Alors que jusqu’ici la palme de contestation revenait à l’opposition, fait nouveau, c’est un fief du parti au pouvoir qui s’enflamme. Mandiana est sorti pour demander au Chef de l’Etat de se souvenir et d’achever les chantiers qu’il a promis à la ville. Des rues sont prises d’assaut par des jeunes. Les forces de sécurité sonnent la charge. Au bout du rouleau, un mort et des blessés graves. La scène à surpris Mandiana et sa population qui, il y a quelques mois, ne jurait que par le RPG Arc-en-ciel et par ses leaders. La ville est donc désormais comme  recluse et chacun ne comprend pas encore pourquoi le gouvernement sinon le parti n’est pas intervenu pour mettre les points sur les i ou du moins apaiser les esprits dans cette localité pourtant paisible. «Une faute politique » que le parti au pouvoir pourra payer lors des futures échéances, les jeunes ayant incendié au vu, au su et en pleine journée, des t-shirt et autres symboles du RPG Arc-en-ciel. Mais en attendant, le gouvernement devra se battre également sur le front de l’installation des élus locaux. Après des scrutins obtenus cahin cahan et l’accord arraché au forceps entre le RPG Arc-en-ciel et l’UFDG, beaucoup estimaient que la machine était désormais bien lancée et n’allait souffrir d’aucune corrosion. Mais jusqu’ici le gouvernement ne parvient pas à faire installer les exécutifs communaux. L’argument selon lequel il faut attendre le retour des pèlerins est battu en brèche par plusieurs analystes qui expliquent que le parti au pouvoir doit avant tout taire ses dissensions internes pour le choix de ses conseillers.

Secteur éducatif, malade de ces revendications salariales
L’ouverture des classes est-elle aussi compromise ? Et le secteur sera-t-il épargné d’une nouvelle crise ? Impossible d’entrevoir l’horizon même le plus proche dans cet autre imbroglio mélodramatique qui aura tenu tous les Guinéens en haleine. A en croire le PM, le gouvernement est incapable d’accéder aux requêtes des enseignants qui réclament un salaire de base de 8 millions de francs guinéens. Et pourtant, selon ces derniers, l’Etat a bien les moyens nécessaires pour payer cet argent. Pour eux, pas question d’aller à l’école tant que leurs revendications ne connaissent pas de suite favorable. Les positions se radicalisent et la corde se tend dangereusement entre les deux parties. Le gouvernement s’est replié alors que le Slecg réclame la reprise des négociations au risque de déclencher une grève générale à compter même du jour prévu pour l’ouverture des classes. L’année scolaire s’annonce donc sur un fleuve pas tout à fait calme. Et au moment où tout le monde compte sur le tact de Kassory Fofana et son gouvernement, voilà que les extrémités s’éloignent les unes des autres alors que les Guinéens assistent, impuissants et déçus, à une autre tragi-comédie.
Au regard de tous ces sujets qui ne font pas se reposer les Guinéens sur leurs lauriers, les uns et les autres ont besoin d’un nouveau discours et de nouveaux actes. Que le gouvernement comprenne qu’il sera évalué, pour l’histoire, à l’aune de ses actions et non sur l’autel de la propagande et de la démagogie qui semblent parasiter et phagocyter aujourd’hui le pouvoir et la fin du mandat d’Alpha Condé. À Kassory Fofana alors de méditer sur sa mission et sur son sort car si on peut diriger parfois sans partager, il nous est difficile de nous échapper entre les mailles de l’histoire.

Gassime Fofana 

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