Situation de l’enfant guinéen : « l’Etat doit agir», selon Mme Binta Nabé

Pour qu’on devienne cadre et servir la Nation, on commence par être enfant. Le mois de juin est celui dédié aux enfants. Ce mois tire vers sa fin. Nous avons voulu clôturer avec quelques impressions sur la situation de cette couche vulnérable et d’ailleurs exposée à plusieurs méfaits de a société actuelle. Les mamans ont trouvé leur mot à dire. C’est cas de Madame Binta Nabé Présidente de la CONAG-DCF et chargée des questions du genre à JPAEGO.

Bonjour madame Binta Nabé!!!
Bonjour!!
Nous terminons le mois de juin consacré aux enfants. Quelle analyse faites-vous de la situation des enfants en Guinée?

Certes beaucoup d’efforts ont été consentis et continuent d’etre consentis par l’Etat guinéen et ses partenaires bi ou multilateraux et les ONG nationales ou internationales D’entrée de jeu, il faut le signaler, parce que chacun de son côté se bat pour appuyer le gouvernemement. Mais le champ étant très grand , beaucoup de choses restent à faire. Le premier problème d’abord qui assaille les enfants, c’est la démission des parents, de la communauté, mais aussi l’Etat quelque part. Parce que si les enfants ne sont pas protégés et si quelque chose arrive à l’enfant, ça s’aggrave. Alors que dès qu’il est mis au monde par ses parents, le teriritoire où il est né, il appartient à la communauté. Parce que l’école qui est construite pour que l’enfant puisse étudier. C’est l’éffort de la communauté, l’hopital pour se soigner, et l’appui des partenaires pour la construction de tout cela. Donc on fait tout ça pour encadrer un enfant pour qu’il soit quelqu’un qui peut rendre un jour service à la Nation. Mais si les parents démissionnent, l’Etat ne suit pas, tous les efforts qui seront consentis sont voués à l’échec. Cela m’amène à dire aujourd’hui, je parle dans un cadre général, que vous ne verrez aucun parent qui se préoccupe du devenir ou de l’interêt de son enfant. Qui se préoccupe de ce que son enfant veut devenir, de ce que son enfant doit être. Mais si on n’a pas le temps de parler avec nos enfants, on n’a pas le temps d’aller vers les centres d’encadrement où vont nos enfants, comment on peut connaitre leur situation. Mais regardez, vous pouvez trouver dans la rue des enfants jusqu’à 22h, et après on dit que ces enfants ne sont pas encadrés. Ils n’y sont pour rien, mais plutôt ils sont victimes. La responsabilité, c’est aux parents. Les enfants divaguent actuellement dans les rues comme des animaux. C’est préoccupant. Malgré que tout soit dans les textes de loi, la mise en application tarde encore. A quoi sert de mettre des codes en place qu’on ne peut appliquer ? Le code guinéen de l’enfant condamne la mendicité, mais regardez si ça n’existe pas. Il y a le tribunal pour enfant, mais dites-moi combien sont jugés et condamnés.

Selon vous, qu’est-ce qui conduit à la démission de la communauté dans l’éducation des enfants, étant donné que cela existait?

Il faut dire que l’éducation d’un enfant dépend de trois éléments: premièrement ce sont ses parents, qui ont 60% à faire, c’est la cellule de base. Quand l’enfant commence à sortir les 30%/ c’est la communauté et les 10% c’est à l’école où on lui donne l’instruction, le savoir, comment étudier, comment respecter les normes et procédures. Mais faut pas qu’on aille abandonner les enfants à l’école pour dire que les enseignants peuvent les éduquer, non, ils n’ont que 10% dans leur encadrement. D’abord de la naissance jusqu’à l’âge d’aller à l’école c’est avec les parents. Quand il va à l’école et revient, c’est avec les parents. Donc l’enfant a plus de temps avec ses parents que tout.
La démission des parents c’est donc de laisser les enfants faire ce qu’ils veulent, sans les orienter, sans les guider. Ton enfant, il faut parler avec lui, savoir ce qu’il veut et l’orienter.

Quel constat avez-vous aujourd’hui de la situation des filles mineures ?

Je dirai que tous les enfants sont victimes, mais tout en mettant un accent particulier sur les filles. Puisque nous vivons trois types de droits, qui sont le droit positif, le droit coutumier et le droit religieux. Et avec la mauvaise interprétation du droit religieux, on dit quand la fille a 13 ou 14 ans, il faut la donner en mariage. Dans ce cas, elle va se marier précocement. Ce qui est désavantageux par rapport aux garçons. Ensuite il faut la descolariser ou elle n’est même pas scolarisée, et après elle va être confrontée à plein de problèmes ,notamment, les fistules obstétricales parce qu’elle s’est mariée précocement. En ce temps, elle est stigmatisée partout où elle est. Et je vous dis il y a des codes qui existent mais l’application fait défaut. Mais il faut aller maintenant à la punition. La punition est un facteur de dissuasion d’autres potentiels candidats à faire ces genres de choses. Quelques fois quand vous avez les dossiers, vous partez voir ceux-là même qui sont sensés appliquer la loi, ce sont eux qui vous disent : laissez tomber, vous savez c’est la famille, y a nos coutumes. Donc vous serez confronté à d’énormes problèmes. Ils vont dire vous allez humilier telle personne, c’est une grande personnalité. Mais et la petite, sa vie est en danger, et c’est la maman qui insiste, c’est un risque de divorce.

Est-ce qu’alors la coutume n’est pas supérieure dans ces cas pareils ?

Je dirais que la coutume est supérieure dans ce cas précis. Parce que même ceux-là qui sont censés appliquer la loi sont sous l’effet de la coutume. Ils vont dire c’est ce que la loi dit, mais….. Nos coutumes voudraient.!! Du côté religieux, il ya des religieux aujourd’hui qui comprennent, mais d’autres non. Le cas de l’excision par exemple, la fatouwa a été rédigée ici. Le président même a demandé d’arrêter,mais jusqu’à présent d’autres continuent toujours. Comme dans ce mois de Ramadan, j’entendais un religieux dire si vous n’excisez pas vos filles, elles vont tomber sur les hommes dans la rue. Mais toutes celles qui font la prostitution aujourd’hui ne sont pas excisées? Donc ce n’est pas une raison. Est-ce qu’ils savent de quoi souffrent ces femmes par qu’elles sont excisées ? Et si l’Etat entend ces genres de prêches et ils ne sont pas inquiétés, ce n’est pas bon. Donc une fois encore l’Etat doit agir.
En matière de défense de droits des enfants est-ce que la Guinée avance?
Oui la Guinée est entrain d’avancer. Parce que je participe à beaucoup de rencontres. En tout cas par rapport au code l’enfant, je crois que la Guinée a été le premier pays à l’élaborer.
La Guinée a fait beaucoup de choses : le parlement des enfants, les enfants s’expriment, mais combien sont scolarisés? certes ceux-là qui sont à l’école vont s’exprimer au nom de tous les enfants, mais et ceux-là qui ne sont pas à l’école, ils vont faire comment?
Sur le plan de l’enregistrement des enfants, qu’est-ce qui se fait? Mais je suis heureuse d’entendre à la télé que le ministère de l’administration du territoire a mis en place un système d’enregistrement automatique des enfants. Un des premier droits de l’enfant, ce sont les documents de naissance. Mais vous pouvez voir parfois dans notre pays il ya d’autres jusqu’à 14 ans ils n’ont aucun document.
Quel est votre message en cette fin du mois de l’enfant ?
Je conseilles aux parents de s’occuper de l’éducation des enfants, car ils sont nos remplaçants de demain. Parfois ces enfants sont victimes de beaucoup de choses et les auteurs ne sont jamais traduits devant les juridictions. Il faut que cela change.
Merci Madame

Propos recueillis par Aliou Diallo

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