Interview : « les services bancaires ne sont pas très adaptés aux réalités du pays »

Les institutions bancaires, qu’elles soient des banques de dépôt ou de crédit, des banques d’affaires, d’investissement ou la banque centrale, constituent de nos jours, de part leur fonction, la locomotive de développement et de croissance économique. Dans cette interview, Ibrahima Sory TOURE, diplômé en Master 2 Banque-Finance-Assurance, à l’université Paris 10 Nanterre et évoluant dans une BFI (Banque de Financement et d’Investissement) à Paris (France), décrit le secteur bancaire en Guinée comparativement aux autres Etats, et indique quel type de banques est nécessaire pour impulser davantage l’économie et en conséquence, améliorer qualitativement et quantitativement les conditions de vie des ménages.

www.ledeclic.info: quelle analyse faites-vous aujourd’hui du secteur bancaire en Guinée ?

Ibrahima Sory Touré : en Guinée, je constate qu’il n’existe presque que des Retail banks (banques de détails ou banques commerciales) pour l’exercice des activités bancaires (notamment la collecte de l’épargne des ménages et le financement des projets). Le taux de bancarisation est relativement très faible. Ce qui, par conséquent, constitue l’un des facteurs qui sous développent le business en Guinée car une bonne partie de la population active n’est pas initiée aux activités bancaires.
Une bonne partie des clients de banques n’est pas satisfaite de la qualité du service rendu, alors que les commissions bancaires prélevées en contrepartie sont très élevées comparativement à celles des banques des pays développés.

Une insuffisance (voire absence) des banques de nationalité guinéenne. Ce qui explique d’une part les difficultés liées au financement des grands projets portés par les entrepreneurs locaux (en concurrence avec les entrepreneurs étrangers), car les gros dossiers de demande de financement sont approuvés par les maisons mères qui ne sont ni basées en Guinée et n’ayant aucune stratégie fiable lorsqu’il s’agit de soutenir durablement la politique économique du pays.

Comparativement aux autres pays, le secteur bancaire n’est pas suffisamment développé en Guinée. Qu’est-ce qui explique cela ?

Comparativement aux autres pays (pays développés), le sous-développement du secteur bancaire guinéen peut s’explique par : d’abord l’inefficacité du régulateur (l’Etat à travers la banque centrale). À mon avis, le dispositif de contrôle des flux financiers entre acteurs socio-économiques devrait être renforcé davantage. Exemple : limiter le paiement en espèces d’un particulier à un professionnel ou entre professionnels à 10. 000. 000 GNF et au-delà, le paiement doit se faire obligatoirement par virement bancaire.

Les services bancaires ne sont pas très adaptés aux réalités du pays afin de pouvoir significativement rehausser le taux de bancarisation : le taux d’analphabétisme de la population devrait être un facteur très déterminant dans la conception des produits financiers et bancaires.
Il n’existe aucune BFI (Banque de Financement et d’Investissement) spécialisée dans les activités de marchés de capitaux et pouvant être une passerelle entre les entrepreneurs locaux et les investisseurs institutionnels du Reste de monde.

Pour un pays comme la Guinée, quel type de banque peut permettre de booster l’investissement et améliorer les conditions de vie des populations ?

Une bonne question. Vu qu’il y existe déjà quelques banques de détails ou banques commerciales, il faudra en plus, des banques coopératives pour impacter la population rurale et surtout des BFI (Banques de Financement et d’Investissement) pour capter plus de capitaux en faveur des projets de développement en Guinée.

Pourquoi les citoyens doivent-ils recourir aux services bancaires? Mais avec quel type de banques ?

Les banques se servent de leurs réseaux pour exploiter les économies d’envergure entre différentes activités (collecte d’épargne, gestion des moyens de paiement, change, offre de produits, d’assurance, de services de placement de titres, de services de conseil en gestion de patrimoine, etc.). Les banques jouent donc un rôle important dans le bon fonctionnement de l’activité économique qu’exercent les ménages.
Le choix du type de banque auquel un acteur économique devrait recourir dépend non seulement de son besoin, de son statut juridique, mais aussi de la taille de son activité. Exemple : un ménage ne peut directement recourir aux services d’une BFI, ou accéder à la bourse financière.

Quelle est la place des banques dans le développement d’un pays?

Le système bancaire et financier influe sur la croissance économique en raison de ses fonctions, telles que: la mobilisation des ressources; l’allocation des ressources dans l’espace et dans le temps; la gestion des risques; la sélection et le suivi des entreprises et la production et la diffusion d’informations.

Propos recueillis par Gassime Fofana

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