Gestion des ordures à Conakry : « mon constat est amer» ( Grande interview)

S’il y a bien un sujet qui focalise les attentions ces derniers temps, c’est bien les ordures à Conakry. À la faveur des premières pluies,  beaucoup de maisons ont été inondées et les citoyens ont déversé les déchets en guise protestation. Une responsabilité partagée selon le Président du Groupement d’Intérêt Economique et les collecteurs des déchets plastiques de Guinée, Akoï Koïvogui que nous avons rencontré. Interview ! 

Bonjour Monsieur Akoi Koivogui !
Bonjour
Quel constat général faites-vous aujourd’hui par rapport à l’insalubrité à Conakry ?

Mon constat est amer, par ce que dès les premières pluies, on a beaucoup d’ordures stockées dans les caniveaux qui sont revenues dans les rues et se sont déversées dans les maisons.

Pourquoi tant de déchets alors  dans les rues de Conakry ?

On peut expliquer cela par plusieurs facteurs :
En première position par l’urbanisation. Il y a certains quartiers même si vous y affectez des PME, difficilement elles vont travailler. Les routes ne sont pas bitumées et si vous envoyez un tricycle ou une charette, ça ne va pas tenir. Dès fois l’accès même n’est pas facile, il est parfois impossible. Donc c’est ce qui fait que les quartiers ne sont pas assainis. Les gens mettent les ordures dans les rues ou caniveaux et quand les premières pluies tombent, l’eau draine tout  ça vers les quartiers où on ne parlait pas d’insalubrité.

Deuxième facteur, il y a un problème de transfert des déchets. Les déchets ne sont pas transférés on peut dire à 80% dans la ville de Conakry. A ce niveau, on peut dire qu’il y a manque de camions, parce que si les déchets ne sont pas transférés, ce n’est pas bon. Et c’est une tâche qui doit être assurée par le SPTD, le service public de transfert des déchets.

Et le troisième facteur, c’est l’abonnement. Les PME qui sont sur le terrain, il faut passer par les chefs secteurs oubien la société civile pour la sensibilisation des personnes à s’abonner. Dans certains quartiers, les gens ne s’abonnent pas. Après aussi, y a la population galopante. Hier, si on parlait d’un million d’habitants, aujourd’hui nous parlons de plus de deux millions d’habitants dans la capitale. Parallèlement, les services n’ont pas été créés pour assainir. Normalement, au fur et à mesure que la population s’accroit, il faut mettre des services en place, qui peuvent satisfaire les citoyens. 

 

Comment réagissez-vous au fait que depuis le début de la saison pluies, les habitants de certains quartiers sortent pour manifester leur ras-le bol par rapport aux ordures ?

C’est comme tu chantes et en même temps tu danses. Parce que ces ordures-là sont produites par ces mêmes populations. Donc elles doivent avoir l’idée du civisme et se dire: ces ordures, c’est nous qui les produisons. Il faut chercher où les mettre sans conséquences, sinon ça deviendra un mal nécessaire. Si vous ne gérez pas bien vos ordures, par exemple dans votre quartier, s’abonner à une PME, il faut essayer de les envoyer à des endroits où elles ne peuvent déranger personne. Mais si vous mettez les déchets dans les caniveaux quand l’hivernage arrive, les eaux vont les drainer chez votre voisin et ce n’est pas bon.

Vous voulez nous dire que la responsabilité est partagée ?

Oui oui, elle est partagée, la population en est responsable quelque part.

Comment, selon vous, les tâches devraient être réparties entre les acteurs dans la gestion des ordures ? 

 Conakry devrait être reparti comme suit :
Les PME sont dans les quartiers, elles font la pré collecte et la collecte. Sur les voies publiques, c’est les communes qui sont chargées de balayer, le curage des caniveaux revient au ministère des TP, le transfert de ces ordures revient normalement au gouvernorat ou au ministère de la décentralisation. Vous voyez comment les taches sont reparties, et si chacun faisait bien son travail, on n’allait pas arriver à ce qu’on voit aujourd’hui. 

Votre structure est dans la collecte des ordures il ya presque 15 ans, dites comment vous collaborez avec ces institutions que vous venez de citer ? 

Prenons au niveau de la collecte des déchets, depuis longtemps moi personnellement j’ai réfléchi dessus. Je me suis dit dans la collecte on a une mine d’or, il faut exploiter. Cette mine d’or c’est quoi, ce sont les déchets plastiques. Donc depuis lors j’ai commencé personnellement à collecter ces déchets plastiques dans la ville de Conakry, faire un point de regroupement, traiter, valoriser et aller vendre.

Alors dites qu’est ce que ne marche dans tout ça ?

En fait, nous avons un problème de stockages. Quand vous regardez, nous, nous collectons plus de 10 tonnes de déchets par jour. Si nous n’avons pas de magasins ça sera difficile de continuer à travailler. Vous prenez par exemple nos structures qui se trouvent à l’intérieur du pays, ces gens travaillent, mais il est difficile d’envoyer. A ce niveau on a problème de logistique. Si au moins on avait des camions qui peuvent transporter ces déchets de là-bas jusqu’ici, ce sera facile.

On a aussi un problème de fonds de roulement, c’est-à-dire, quand les gens collectent, il faut payer. et nous, nous travaillons avec ceux qu’on appelle les vrais gens, ils n’attendent pas, ils travaillent, il faut vous leur payer.

Quelle solution proposez vous par rapport à cette situation ?

La solution est que la population doit prendre conscience, car s’il y a inondations ou que les déchets rentrent dans les maisons, c’est elle qui en souffre. A l’ État, de nous aider à avoir beaucoup de centres pour la conservation. Si vous prenez par exemple parmi ces plastiques, il y’en a ceux qu’on peut transformer en charbon combustible pour aider les femmes à avoir avec quoi préparer, ça va même permettre d’éviter la déforestation.  

Merci M. Koivogui 

C’est moi qui vous remercie

Propos recueillis par Aliou Diallo 

 

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